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On en trouvait aussi qui ne se rendaient pas compte qu’ils obéissaient à leur instinct, qui se croyaient possédés de l’esprit du mal et venaient demander à leurs maîtres de faire dire des messes pour le chasser.

Dès les premiers temps de la colonisation des Antilles, les mesures les plus rigoureuses furent prises contre les marrons. Si nous nous reportons à notre chapitre i du Livre I, nous voyons que les gouverneurs anglais et français de Saint-Christophe s’interdisent de garder des esclaves qui ne leur appartiennent pas ; cependant il n’est pas encore question de châtiment à infliger à ceux qui auront quitté leurs maîtres. Les punitions paraissent avoir été absolument arbitraires avant le Code Noir. Ainsi, le 16 février 1641[1], le roi fait connaître qu’il est disposé à autoriser une négresse condamnée à mort pour marronage à épouser le nègre maître des hautes œuvres, qui a demandé à se marier ainsi. — Le 23 juillet 1655[2], un nommé Séchoux fut condamné à être pendu, puis écartelé, ses membres devant être exposés sur les avenues publiques, pour avoir été le chef d’une entreprise tentée par les esclaves fugitifs dans l’intention de se joindre aux Caraïbes. — Dès 1665, il y avait à la Martinique 4 à 500 marrons[3], obéissant presque tous à l’un d’entre eux qui avait pris le nom de son maître Francisque Fabulé. Ils causaient de tels ravages que le Conseil supérieur arrêta qu’on traiterait avec eux[4] : les conditions de ce traité, projeté par l’entremise d’un nègre du sieur Renaudot, furent que Fabulé aurait sa liberté et 1.000 livres de petun, et qu’on n’infligerait aucun châtiment à ceux de sa troupe. Fabulé se tint tranquille tant que M. de Clodoré resta gouverneur de l’île ; mais il se dérangea de nou-

  1. Arch. Col., F, 257, p. 13.
  2. Dessalles, III, 113.
  3. Id., ib., 109 ; — et Du Tertre, III, 201.
  4. Moreau de Saint-Méry, I, 136. Arrêt du 2 mars. Il n’est pas question de cet arrêt dans Dessalles, qui dit que le gouverneur, M. de Clodoré, rendit le 3 avril, une ordonnance promettant des primes à tous ceux qui ramèneraient des nègres fugitifs.