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Surinam et à la Jamaïque ;, où la Hollande et l’Angleterre, dans l’impossibilité de réduire leurs déserteurs, furent obligées, après des chasses et même des guerres acharnées, de traiter finalement avec eux et de reconnaître leur indépendance en leur abandonnant une partie de territoire. Dans les Antilles françaises, quoiqu’ils soient arrivés souvent à former des bandes inquiétantes, jamais on n’en fut réduit à les laisser jouir d’une absolue sécurité. Mais jamais non plus le colon ne pouvait lui-même être tranquille ; les endroits écartés n’étaient pas sûrs ; il fallait même garder les habitations. Et que de dépenses on fut contraint de faire sans cesse pour donner la chasse aux nègres marrons ! Que de cruautés il fut nécessaire d’exercer pour l’exemple ! Que de vies ainsi perdues ! Vraiment, à mesure qu’on envisage l’esclavage par ses divers côtés, on constate de plus en plus quelles ont été ses désastreuses conséquences, on est effrayé de voir à quel prix on dut acheter cette production de denrées de luxe, destinées à enrichir bien plus encore les négociants de la métropole que les colons. Ce chapitre sur le marronage nous en fournira une nouvelle preuve.

D’une manière générale, avant d’entrer dans le détail, nous distinguerons, avec Schœlcher[1], trois sortes de nègres marrons :

1° L’homme énergique et résolu qui ne peut supporter la servitude ; son maître doit le considérer comme à jamais perdu ;

2° Celui qui s’échappe pour une cause quelconque, la crainte d’une punition, un moment de lassitude, un vague besoin de liberté, et qui, la cause cessant, revient de lui-même à la grande case au bout d’un certain temps ;

3° Celui qui trouve trop lourdes les rigueurs de l’esclavage, mais qui n’a pas non plus assez de force pour vivre en liberté, qui erre misérablement et finit par se laisser reprendre.

  1. Col. françaises, p. 111.