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de la justice et dont la mémoire aura été flétrie par jugement ne seront point remboursés à l’avenir par la caisse[1] ».

Les prix de remboursement furent assez variables, suivant les époques. Comme ils étaient, la plupart du temps, surfaits par les intéressés, on dut se préoccuper de les ramener à plusieurs reprises à un taux raisonnable. En 1708, le Conseil du Cap décide que les esclaves seront payés suivant leur qualité, « savoir pièce d’Inde pour pièce d’Inde et défectueux pour défectueux, si mieux on n’aime en prendre la valeur en argent[2] ». En 1711, ils sont évalués en moyenne à 500 livres[3] ; en 1756, à 1.600 livres pour les nègres et 1.000 pour les négresses[4] ; en 1759, à 2.000 pour ceux qui sont tués à l’ennemi, et au besoin davantage, s’ils sont estimés plus comme « nègres à talents[5] » ; en 1769, à 1.200[6] ; en 1778, à 1.300 livres pour les nègres et 1.200 pour les négresses[7]. Ces derniers chiffres furent adoptés, nous dit R. Dessalles[8], à cause des abus qui se produisaient et qui grevaient la caisse des nègres justiciés. On était arrivé, en effet, à estimer des esclaves ordinaires jusqu’à 3 et 4.000 livres.

Le remboursement des nègres tués pour une cause ou une autre constituait pour les propriétaires une charge appréciable. Ainsi Moreau de Saint-Méry a calculé qu’en 1690 il y avait eu à Saint-Domingue, pour les seuls quartiers de Rochelois, de Nippes, du Petit-Goave et du Grand-Goave, 1.136 nègres suppliciés[9]. Un arrêt du Conseil de Léogane, du 4 juin 1708[10], porte augmentation de 6 sols par tête de nègre sur les 54 sols

  1. Arch. Col., F, 236, p. 198 bis. Arrêt du 12 mars 1774.
  2. Moreau de Saint-Méry, II, 119. Arrêt du 2 juillet 1708.
  3. 3 Id., ib., 294. Arrêt du Conseil du Cap du 4 novembre.
  4. Arch. Col., Ann. Mart., F, 245, p. 419, janvier.
  5. Moreau de Saint-Méry, IV, 244, 14 février, et 287, 12 mars.
  6. Id., V, 284, 29 novembre.
  7. Durand-Molard, III, 368, 1er mai.
  8. Op. cit., III, 314.
  9. Moreau de Saint-Méry, I, 480. À propos d’un arrêt du Conseil du Petit-Goave, du 20 janvier 1690.
  10. Arch. Col, Code Saint-Domingue, F, 269, p. 321.