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rapporté certains des cas que nous venons d’exposer, écrit ces réflexions : « Ces atrocités sont heureusement fort rares et commises par des gens de la plus vile condition ; l’intérêt souvent prescrit à d’autres une commisération que l’humanité seule devrait leur inspirer. Par un abus contraire à toutes les lois, à toute idée de justice, l’esclave est soumis uniquement à la loi que son maître veut lui imposer ; il en résulte que celui-ci a sur lui, par le fait, le droit de vie et de mort, ce qui répugne à tous les principes : il est à la fois l’offensé, l’accusateur, le juge et souvent le bourreau ! Écartons de nous ces idées ; elles répugnent trop à la nature, à l’humanité. »



VII

Il ne suffisait pas que les esclaves fussent châtiés pour les délits ou les crimes qu’ils commettaient. De même que le maître était responsable de certains actes déterminés de commerce qu’ils accomplissaient en son nom, de même, — et quoique dans la grande majorité des cas sa volonté ne fût ici pour rien, — il était exposé à payer les dommages causés par eux. Le principe est nettement établi par l’article 37 du Code Noir. Il découle évidemment de l’intention de forcer les propriétaires à surveiller de très près leurs esclaves pour les empêcher de commettre des actes nuisibles. C’est ainsi qu’en avaient jugé les Romains[1]. À leur exemple, les jurisconsultes du xviie siècle édictèrent qu’il était permis aux maîtres de choisir entre réparer le tort fait en leur nom ou bien abandonner l’esclave qui en était la cause à celui qui avait été lésé ; mais ils devaient opter dans le délai de trois jours.

Ces conditions étaient indépendantes de la punition cor-

  1. Digeste, lib. IX, titre iv : De noxalibus actionibus : Noxalium actionum hæc vis et potestas est ut, si damnati fuerimus, liceat nobis deditione ipsius corporis quod deliquerit evitare litis contestationem.