Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Dès le début, les îles se peuplèrent avec une rapidité étonnante. D’après son premier contrat, la Compagnie était tenue de transporter 4.000 colons. Or, l’édit de mars 1642[1], qui la confirme dans ses privilèges, constate qu’elle en a introduit 7.000. Dans ces conditions ne sommes-nous pas en droit de nous demander si la colonisation n’aurait pas pu aussi bien, et même mieux, être opérée uniquement par des travailleurs libres, sans recourir à la traite des nègres ?

Comment se composait, en effet, cette population ? Toutes les classes de la métropole lui fournissaient, plus ou moins, des représentants. Ainsi les chefs des premières expéditions appartiennent pour la plupart à la noblesse. Les uns sont poussés par l’amour des aventures, les autres par l’insuffisance de ressources. Peut-être ne faut-il pas scruter le passé de chacun ; le départ pour l’Amérique a pu aider certains à liquider une situation malaisée, ou bien à effacer quelque faute, à fuir la lettre de cachet qui les menaçait. Du moins, là-bas, ceux-là se sont rachetés en servant bien le roi, disons mieux, la nation, puisqu’alors c’est tout un. Après eux viennent les fonctionnaires, d’abord uniquement ceux des Compagnies, puis les officiers du roi.

« À cette classe de haute lignée, qui versait au fonds social de la colonie l’entrain et l’audace sans scrupule, venaient s’en joindre d’autres qui tempéraient par un heureux alliage l’esprit général de la société coloniale[2]. » Il faut citer des premiers les religieux des divers ordres, Jésuites, Dominicains, Carmes, Capucins, Jacobins, Frères de la Charité, sans parler des religieuses. Dans l’histoire de la colonisation

  1. Moreau de Saint-Méry, op. cit., I, 51.
  2. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 159. Voir aussi J. Duval, op. cit., 142.