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senter ses autres esclaves, quand on les lui redemanderait, et a pris contre lui « d’autres dispositions également puériles ». Les administrateurs protestent et remontrent au Ministre le danger qu’il y a à agir ainsi. Dans le cas présent, on avait toutes les preuves ; l’accusé avait avoué et signé son aveu. Que se passe-t-il donc dans les autres ? Et ils demandent que le roi déclare le coupable incapable de posséder des esclaves et l’expulse de la colonie. Citons ce passage intéressant de leur lettre : » 400.000 êtres respirent dans cette vaste colonie sous les lois de Sa Majesté et, malgré la protection qu’elle leurs assurent, malgré les adoucissements apportés successivement à leur sort, on ne peut se dissimuler que leur condition est encore bien malheureuse. Combien de maux secrets l’œil des tribunaux ne peut pénétrer ! Combien de barbaries que les habitants s’attachent comme de concert à cacher à l’Administration, dont la vigilance sur ce point leur est odieuse ! Que sera-ce donc si notre impuissance comme dans l’affaire présente est publiquement démontrée, et s’il l’est en même temps que les tribunaux se joignent à des habitants barbares pour l’approbation de ces infamies ? Depuis cent ans ces cruautés s’exercent impunément ; elles se commettent à la face des esclaves, parce que l’on sait que leurs témoignages seront rejetés… Nous ne ferons aucune mention ici des considérations d’humanité qui s’élèvent en faveur des esclaves. Vous connaissez tout le malheur de leur condition… Nous ne terminerons pas cette dépêche sans vous dire que beaucoup d’habitants suivent aujourd’hui un régime modéré et que, généralement parlant, les rigueurs de l’esclavage sont moins grandes dans cette colonie qu’elles ne l’étaient il y a une vingtaine d’années ; mais il y a des quartiers entiers où l’ancienne barbarie subsiste dans toute sa force, et les détails en font frémir d’horreur. »

De ce passage nous en rapprocherons un autre, qui est également d’un témoin oculaire, auquel nous avons déjà fait plus d’un emprunt ; c’est Régis Dessalles qui, après avoir