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traitait ses esclaves et qui a été condamné à les vendre tous. — La femme d’un sergent est condamnée par le Conseil supérieur de Cayenne à être renfermée en France dans une maison de force, à perpétuité, pour les faits suivants : Jalouse d’une négresse de l’habitation d’un capitaine qui était sous la direction de son mari, et profitant de l’absence de celui-ci, « elle fit fouetter cette négresse et exerça contre elle toutes les cruautés que la fureur de la jalousie put lui susciter ; lassée plutôt que rassasiée, dans l’espérance de satisfaire encore le lendemain toute sa fureur, elle fit détacher cette esclave qui tomba en syncope[1] ». Mais il fut impossible de la ranimer, et elle mourut. — Une ordonnance, du 24 mars 1763[2], du juge de police du Cap, défend aux habitants de faire fouetter leurs esclaves dans les rues. — En septembre 1767, le Conseil de la Martinique[3] condamne au bannissement à perpétuité des îles un peintre convaincu d’avoir blessé un nègre à coups de couteau.

Les exemples de cruautés n’en continuent pas moins, et nous n’en finirions pas de rappeler seulement les plus fameux. Certains juges se montrent parfois d’une indulgence incompréhensible, comme le prouve l’affaire suivante[4] : Le concierge du Palais a conduit à l’hôtel du juge du Cap 10 nègres ou négresses fugitifs du sieur Dessource. Ils ont déclaré que leur maître a fait brûler un commandeur comme empoisonneur, à la suite de la dénonciation d’un nègre, faite dans les tourments ; que 2 négresses, brûlées d’abord aux pieds et aux jambes, ont été ensuite enterrées vivantes ; qu’une autre, enceinte, mise dans un cachot, y est morte. Eh bien, par une ordonnance rendue six jours après, le juge fit simplement rendre à leurs maîtres les 10 victimes gardées

  1. Arch. Col., F, 144, 16 juin 1760.
  2. Moreau de Saint-Méry, IV, 566.
  3. Arch. Col., F, 260, p. 853.
  4. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90, 4 juin 1771. Mémoire des officiers de la Sénéchaussée du Cap au Conseil de la même ville touchant la dénonciation par des esclaves de faits atroces commis par leurs maîtres envers eux.