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lui enjoint de vendre tous ses esclaves, à l’exception d’une servante. Elle en appelle au Conseil supérieur, mais son appel est mis à néant. Au sujet de ce jugement, le Ministre écrit à M. d’Orgeville[1] : « Il y a apparence qu’il (le Conseil) ne s’est pas non plus déterminé sans des preuves bien aggravantes à déclarer Marthe Roblot incapable de posséder à l’avenir aucuns esclaves, sur l’accusation formée contre cette mulâtresse à l’occasion de la mort du nègre Lafiole, son esclave, qui a été imputée aux traitements cruels qu’elle avait exercés contre lui. J’aurais été cependant bien aise que vous m’eussiez expliqué en détail les circonstances de cette affaire. Il convient à la vérité d’empêcher la violence des maîtres à l’égard de leurs esclaves ; mais il est nécessaire aussi de contenir les esclaves dans la dépendance où ils doivent être et de ne rien faire qui puisse leur donner sujet de s’en écarter. Les affaires de cette nature demandent beaucoup d’attention et de ménagement. »

S’il est nécessaire de réprimer la violence des maîtres, qu’on en juge plutôt par cet autre exemple de sauvagerie[2] : La dame Audache fait retirer de la geôle une négritte et la fait immédiatement mettre à la barre et fouetter. Le lendemain, elle la fait attacher à 3 piquets, ventre contre terre, et fouetter encore. Puis, d’accord avec un nommé Lazare, qui assistait à la scène, elle a l’idée de la brûler avec de la poudre à feu. Lazare lui en verse sur le dos, sous le ventre, en répand tout autour d’elle, met dessus de la paille de canne, et la dame Audache, avec un tison allumé, y met le feu. Comme la négritte se soulevait à force de contorsions épouvantables, Lazare lui met le pied sur le dos, « afin que son ventre pût porter sur le feu ». La dame Audache la fait ensuite porter à la cuisine, et là elle panse ses plaies avec de l’aloès et de la

  1. Arch. Col., B, 64, Îles-du-Vent, p. 303, 17 février 1736.
  2. Arch. Col., F, 143, 10 septembre 1736. Extrait des minutes du greffe criminel du Fort Royal de Léogane, île et côte Saint-Domingue. Procès-verbal relatant les dépositions identiques de 4 nègres appelés comme témoins.