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après ce supplice, ne peuvent mettre pied à terre… — Tout ce que j’écris ici est sur le rapport des commissaires du Conseil. Ils n’ont trouvé de la part des nègres que friponneries et quelques tours de charlatans grossiers ; de la part de plusieurs blancs, l’avarice et les excès de cruauté dont je viens de parler. J’ignore quel remède on y peut apporter, n’ayant ni autorité, ni force pour cela. Le mal est très étendu, et plusieurs de nos habitants les plus méchants, les plus cruels qui soient sur la terre. »

Le Ministre répond[1] : « Il est inouï que des Français et des chrétiens exercent une pareille tyrannie, qui ferait horreur aux nations les plus barbares. » Et il envoie une ordonnance royale qui interdit aux maîtres de faire donner, de leur autorité privée, la question aux esclaves, sous quelque prétexte que ce soit, à peine de 500 livres d’amende[2]. Le 2 juillet 1715, un commandeur blanc est condamné à l’amende pour avoir infligé à un nègre, en l’absence du procureur, sans appeler les voisins, un châtiment dont il est mort[3]. Le sieur Bertrand, ayant frappé à coups de couteau un nègre couché auprès d’une négresse, est condamné par le juge ordinaire à 600 livres tournois d’amende, le 12 janvier 1724[4]. Mais le jugement est cassé par le Conseil supérieur, le 7 novembre suivant. — Un blanc tue, de sang-froid, un nègre d’un coup de pistolet : il devra rembourser l’esclave, payer 3 livres d’amende au roi et sera banni pour dix ans[5]. — Un commandeur blanc, qui a tué un esclave dans un accès de colère, est condamné à servir de forçat sur les galères pendant trois ans, plus à 100 livres d’amende et aux dépens[6]. —

  1. Arch. Col., F, 251, p. 143, 17 décembre 1712.
  2. Durand-Molard, I, 76. Ord. du 20 décembre 1712. Arch. Col., F, 251, p. 159. Lettre explicative du 28 janvier 1713, à M. de Vaucresson.
  3. Moreau de Saint-Méry, II, 466. Arrêt du Conseil du Cap.
  4. Arch. Col., F, 253, p. 643.
  5. Arch. Col., Code Saint-Domingue, F, 270, p. 177, 12 mars 1726. — Arrêt du Conseil du Petit-Goave.
  6. Ib., ib., 187, 2 septembre 1726, Arrêt du Conseil du Petit-Goave.