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condamné à 500 livres de sucre d’amende pour « avoir excédé et fait excéder la négresse Anne de plusieurs coups de fouet, ce qui lui a fait diverses grièves blessures en plusieurs parties de son corps, et, outre ce, pour lui avoir fait brûler, avec un tison ardent, les parties honteuses ». Le châtiment n’est-il pas ridicule proportionnellement au délit ? Il est probable qu’il eût été plus sévère un siècle plus tard.

Le Code Noir marque déjà un progrès au point de vue de l’humanité. Par l’article 42, il défend aux maîtres de donner la torture à leurs esclaves et de leur faire aucune mutilation de membres. L’article 43 enjoint aux officiers du roi « de poursuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave » ; il est vrai qu’ils ont également le droit de les absoudre. Sans arriver à la torture ou à la mutilation, que de sévices ne pouvait-on pas exercer sur les esclaves ! Et comment, dans la pratique, étaient-ils réprimés ? Un arrêt du Conseil du Petit-Goave, du 8 janvier 1697[1], condamne une maîtresse qui avait fait battre cruellement un esclave, à 10 livres tournois d’amende, et le sieur Belin, qui avait exercé ces excès, à 30 livres tournois pour le pain des prisonniers, en les invitant à traiter désormais plus humainement leurs esclaves. Or les mauvais traitements avaient entraîné la mort, puisque le nègre avait dû être exhumé par ordonnance du juge. Le 7 novembre 1707, le Conseil de la Martinique confirme une amende prononcée contre le nommé Gratien Barrault, ordonne qu’il vendra dans quinze jours tous les nègres qu’il peut avoir et lui défend d’en posséder aucun à l’avenir, parce qu’il en avait fait mourir en les châtiant[2]. Ce Barrault, après avoir vendu ses nègres, passa en France et en revint en 1709. Il continua à maltraiter ses esclaves. Une négresse s’enfuit avec un nègre et lui demanda de lui couper le cou avec une serpe, après qu’elle aurait bu une bouteille de tafia, parce qu’elle ne pouvait plus supporter les

  1. Arch. Col., Code Saint-Domingue, F, 269, p. 169.
  2. Arch. Col., F, 250, p. 449.