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Dessalles cite[1] deux cas de nègres absous, l’un pour avoir tué un autre nègre, « poussé par la douleur qu’il lui causait en le tenant aux parties », l’autre, parce qu’il avait tué un esclave qu’il avait surpris couché avec sa femme. Il est question de cette seconde affaire dans une lettre ministérielle du 11 novembre 1705 à M. Machault[2] ; les Jésuites ont demandé la grâce de leur nègre Barthélémy, qui en a tué un autre, qu’il a trouvé dans sa case enfermé avec sa femme pendant qu’il était au travail. Le sieur Le Bègue, maître du nègre mort, avait été informé de son mauvais commerce et aurait dû l’empêcher. Sa Majesté fera grâce, si les faits sont bien tels qu’on les lui a rapportés. — « Un nègre nommé Jacques ayant tué sa femme coupable d’adultère, le Conseil du Cap, par arrêt du 2 janvier 1715, déclara surseoir définitivement contre lui, et le roi, sur le rapport des administrateurs, lui accorda des lettres de grâce[3]. »

Un des crimes les plus ordinaires commis par les esclaves et contre lesquels il était le plus difficile de se défendre, c’était l’empoisonnement. « Le poison ! — écrit M. Schœlcher[4] — Voici un des plus horribles et des plus étranges produits de l’esclavage ! Le poison ! c’est-à-dire l’empoisonnement organisé des bestiaux par les esclaves. Aux îles, on dit : le poison, comme nous disons : la peste, le choléra ; c’est une maladie de pays à esclaves ; il est dans l’air, la servitude en a chargé l’atmosphère des colonies, de même que les miasmes pestilentiels la chargent de fièvre jaune. Le poison est une arme terrible et impitoyable aux mains des noirs, arme de lâches, sans doute, à laquelle l’esclavage les condamne. Vainement osera-t-on calomnier la liberté, vainement feindra-t-on de lui préférer la servitude ; jamais l’Europe libre ne voit les prolétaires user de cet exécrable moyen pour mani-

  1. Op. cit., III, 372.
  2. Arch. Col., B, 26, p. 165.
  3. Trayer, op. cit., 51.
  4. Col. françaises. 121.