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les juges ont suivi la maxime d’appliquer le châtiment le plus doux quand rien n’est spécifié. Or, il faut faire des exemples. « La peine des galères est la moindre qu’on puisse infliger en pareil cas. »

Cette peine des galères, on ne la prononçait guère que pour la commuer. On s’était, en effet, aperçu assez vite qu’elle ne produisait aucun effet sur l’imagination des esclaves. Aussi eut-on l’idée de les mettre à la chaîne, c’est-à-dire aux travaux forcés. L’exemple en fut donné à Saint-Domingue. Le Ministre constate, dans une lettre du 8 juin 1746, à MM. de Caylus et Ranché[1], que c’est plus avantageux. Dans une dépêche ministérielle du 23 septembre 1763 au duc de Choiseul[2], il est parlé de la nécessité d’avoir des bras pour les fortifications ; on conservera ainsi des individus qui eussent été entièrement perdus pour la colonie et moins punis peut-être par la mort. Suivant une ordonnance des administrateurs de la Martinique[3], les esclaves condamnés à la chaîne à perpétuité doivent être payés aux maîtres. Cependant, comme les autorisations de commuer tournaient en abus, le roi fit paraître, le 1er mars 1768, une Déclaration[4], d’après laquelle les esclaves ayant mérité les galères devaient être marqués de la fleur de lys, avoir une oreille coupée et être attachés à la chaîne à perpétuité. À la première évasion, ils auraient la seconde oreille coupée et finalement seraient pendus.

Une question particulière se posait à propos des meurtres commis involontairement par les esclaves ou motivés. Le Code Noir ne l’avait pas résolue ; mais, comme l’article 43 permettait aux officiers du Conseil d’absoudre les maîtres ou commandeurs qui tuaient un esclave, les juges se crurent généralement autorisés à agir de même vis-à-vis des esclaves.

  1. Arch. Col., B, 82, Îles-du-Vent, 17. Voir circulaire du 23 septembre 1763, dans Durand-Molard, II, 251.
  2. Durand-Molard, II, 253.
  3. Id., ib., 283, 3 janvier 1764.
  4. Id., ib., 563.