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fouet, à la fleur de lys et au carcan. Ce genre de délit n’était guère à craindre, vu, en général, l’ignorance absolue des esclaves. Il doit s’agir dans le cas présent d’un nègre domestique qui aurait appris à lire et à écrire chez son maître.

Ce qui rendait surtout les esclaves redoutables, c’était leur facilité à commettre des violences et des meurtres. La crainte des châtiments ne les arrêtait guère : « Le mépris de la mort les rend maîtres de la vie de ceux qu’ils ont projeté de faire mourir[1]. » Et que leur importait, en effet, la vie dans bien des cas ? Au moins la mort, c’était le repos. Quelque rudimentaire que fût son intelligence, l’esclave n’en était pas moins un être pensant ; or la brute elle-même finit par se révolter contre l’injustice et la cruauté. Naturellement c’était presque toujours contre les blancs, et la plupart du temps contre leurs propres maîtres, que les nègres étaient amenés à exercer leurs vengeances. Rappelons-nous que certaines habitations sont absolument isolées ; le maître et sa famille sont donc à la discrétion de leurs esclaves. Il faut, par conséquent, essayer de les contenir en les épouvantant par les menaces. Le règlement du Conseil de la Martinique, du 4 octobre 1677[2], porte déjà (art. 4) : « Les nègres qui frapperont un blanc seront pendus ou étranglés ; si le blanc meurt, seront lesdits nègres rompus tout vifs. » Le Code Noir est moins cruel. L’article 34 stipule en effet : « Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort s’il y échet. » L’article 33 dit : « L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants, avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort. »

Nous rapporterons quelques-uns des arrêts les plus intéressants que nous ayons retrouvés. Un esclave, Gaspard,

  1. Arch. Col., F, 246, p. 93. Mémoire d’une séance du Conseil supérieur, septembre 1788.
  2. Moreau de Saint-Méry, I, 306.