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aussi[1] à rappeler l’exemple d’un esclave, excellent homme, qui n’avait été marron que pour échapper aux mauvais traitements de son maître ; pour le soustraire à la peine de mort, à laquelle il avait été condamné, il obtint pour lui de son grand-père qu’il deviendrait bourreau. Mais le nègre lui répondit alors : « Non, je ne dois mourir qu’une fois ; si je devenais bourreau, mon supplice recommencerait chaque jour. » On choisissait naturellement ceux dont le crime était le moindre ; nous savons qu’il n’en fallait pas beaucoup pour être condamné à mort. Quant aux négresses, elles avaient une chance de commutation de peine : c’était d’avoir plu au bourreau, qui pouvait demander de prendre telle ou telle pour femme. Mais, naturellement, l’un et l’autre_restaient esclaves. Par exemple, un arrêt du Conseil de la Guadeloupe[2] ordonna la vente d’une négresse, veuve de l’exécuteur des hautes œuvres, qu’elle avait épousé par commutation de peine, et, en même temps, la vente de ses cinq enfants « pour le produit être versé dans la caisse des nègres justiciés »… Dessalles écrit au sujet des exécuteurs[3] : « Ils reçoivent leur commission à genoux, la prennent avec les dents, lorsque le greffier l’a chiffonnée et la leur a jetée par terre. Ils font leur résidence à la geôle. On leur accorde la liberté de se choisir des femmes parmi celles condamnées aux galères. Le sort des enfants qui en naissent est encore un problème. Sont-ils libres ? Doivent-ils être vendus au profit du roi ? » Il semble que cette dernière hypothèse soit la vraie, d’après l’arrêt que nous venons de citer. Le bourreau recevait 4.000 livres de sucre par an ; il était payé sur la caisse des amendes.

  1. Cf. Biographie Michaud.
  2. Arch. Col., F, 229, p. 213, 12 novembre 1769.
  3. Op. cit., III, 205.