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l’action de la justice, comme les nègres coûtaient relativement cher en prison, que, de plus, ils pouvaient s’évader, il fut décidé que désormais les nègres esclaves ayant encouru les peines du fouet, de la fleur de lys et des oreilles coupées seulement, seraient condamnés en dernier ressort par les juges ordinaires et ces jugements exécutés sans appel. Le droit d’appel ne subsista que pour la peine du jarret coupé ou de mort.

Nous voyons par l’article 41 qu’il est défendu aux juges, procureurs et greffiers de prendre aucune taxe dans les procès criminels contre les esclaves, à peine de concussion. Un règlement, du 24 septembre 1753, fait pour la Martinique[1], décide également que les procédures criminelles d’esclaves sont gratuites, « à moins que leurs maîtres ne prennent leur fait et cause et qu’ils y succombent » (art. 36). Quoique le Code Noir précise les peines qui peuvent ou doivent être appliquées dans certains cas déterminés, il laisse, malgré tout, une très grande latitude aux juges, qui très souvent sont autorisés à se décider suivant la gravité des circonstances. Il n’a subsisté que de rares dossiers complets de procédure criminelle concernant les esclaves, au moins pour la période qui nous occupe. Ils ont dû être détruits ; en effet, un arrêt du Conseil de Léogane[2] ordonne que toutes les procédures criminelles faites contre les nègres esclaves jusqu’à la fin de 1715 seront brûlées. Pour la Martinique, une lettre du Ministre, du 24 septembre 1787[3], autorise à faire brûler toutes celles qui vont jusqu’en 1750, « seulement à la charge d’en dresser procès-verbal et de conserver les arrêts définitifs ». Les procès étaient si nombreux que, vu l’encombrement des dossiers et la difficulté matérielle de les conserver, on dut suivre cette manière de faire, même pour les documents postérieurs, dont il n’est pour ainsi dire pas resté de trace au

  1. Durand-Molard. I, 569.
  2. Moreau de Saint-Méry, II, 541, 4 janvier 1717.
  3. Arch. Col., F. 263.