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IV

À l’origine, la justice n’était pas nettement fixée. Un règlement du Conseil de la Martinique, du 4 octobre 1677[1], stipule (art. 1) que, pour les vols valant moins de 100 livres de sucre, les esclaves seront simplement châtiés par leurs maîtres, selon qu’ils le jugeront nécessaire. Il semble que tous les autres délits doivent être soumis aux juges. Le Code Noir, qui établit les règles les plus positives, porte à l’article 42 : « Pourront seulement les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou cordes. » La formule est bien vague et laissait encore beaucoup de marge à l’arbitraire. Mais, du moins, l’application de la torture et toute mutilation de membres sont interdites ; nous verrons que la loi s’efforce même d’empêcher effectivement les excès commis envers les esclaves. Donc c’est devant la justice régulière que les esclaves coupables de délits qualifiés doivent être traduits. D’après l’article 32 du Code Noir, « seront les esclaves accusés, jugés en première instance par les juges ordinaires et par appel au Conseil souverain, sur la même instruction et avec les mêmes formalités que les personnes libres ». Cet article assure bien théoriquement toutes les garanties voulues aux esclaves. Mais n’oublions pas que les juges sont presque toujours des colons, propriétaires eux-mêmes d’esclaves, — malgré la défense faite aux fonctionnaires de posséder des habitations, — ou alliés à des colons. Les accusés seront par conséquent traités toujours avec sévérité. La garantie de l’appel fut, d’ailleurs, extrêmement restreinte, dès le 20 avril 1711, par une ordonnance royale[2]. Vu le grand nombre de délits qui étaient commis et qui entravaient

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 306.
  2. Arch. Col., Recueil des lois particulières à la Guadeloupe, F, 236, p. 481.