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général, les nègres n’y doivent être regardés que comme des forces nécessaires pour les cultures des denrées auxquelles les blancs ne pourraient pas s’adonner, et c’est à ces cultures qu’ils doivent être renvoyés pour laisser aux blancs les travaux et les métiers qui peuvent leur convenir ; c’est pour cet effet que Sa Majesté a fait et fait encore passer nombre d’ouvriers de toute espèce à Saint-Domingue et qu’Elle se propose, lorsque le sieur comte d’Estaing lui aura rendu compte de la qualité des terrains qu’on pourra trouver à Saint-Domingue pour des plantations de vivres et des remplacements de ménageries, d’y faire passer un nombre suffisant de familles allemandes pour les exploiter ; mais, en attendant que le nombre des blancs que l’on mettra à Saint-Domingue puisse balancer celui des nègres en proportion des besoins, le sieur comte d’Estaing ne saurait trop veiller à la police de ce peuple, pour éviter toute surprise de sa part, de quelque cause qu’elle pût provenir. » Dans un autre Mémoire, du 25 janvier 1765[1], rédigé par Dubuc, député de la Martinique à Paris, et qui devint, sous Choiseul, premier commis de la Marine, il est rappelé que l’obligation d’avoir 1 blanc par 20, 40 ou 50 nègres n’a, en fait, jamais eu d’exécution. La raison qu’en fournit l’auteur, c’est que les blancs sont trop exigeants, libertins, insubordonnés. « Sa Majesté recommande aux sieurs comtes d’Ennery et de Peinier la plus grande attention à tenir les esclaves dans la plus austère dépendance de leurs maîtres et dans la plus grande subordination à l’égard des blancs, de les contenir par la rigide observation des règlements faits dans cet objet et d’assurer tout à la fois la fortune et la tranquillité des colonies par tous les moyens qui pourront prévenir les marronages et ramener les esclaves fugitifs à l’atelier de leurs maîtres. » D’après une ordonnance du roi concernant le rétablissement des milices à Saint-Domingue[2], article 52 : « Chaque habitant ayant 80 nègres et au-dessus sera obligé

  1. Durand-Molard, II, 342.
  2. Moreau de Saint-Méry, V, 166, 1er avril 1768.