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Toutes ces pzines étaient « abitraires et à la discrétion de leurs maîtres », dit Du Tertre. Il nous apprend encore que l’impunité rendait les esclaves insupportables, tandis qu’ils acceptaient facilement le châtiment, quand ils se reconnaissaient coupables ; mais, s’ils étaient punis à tort, ils devenaient « de vrais lions » et s’emportaient en des accès de fureur inconcevables. À quoi leur servait pourtant la révolte, du moment qu’ils ne pouvaient pas échapper au joug ?

En fin de compte, peu importait à l’autorité la manière dont les maîtres traitaient chez eux leurs esclaves. Ce ne fut qu’à mesure du progrès des idées philosophiques et philanthropiques au xviiie siècle qu’on commença à s’en préoccuper, pour protéger les esclaves même contre leurs maîtres inhumains, nous le verrons tout à l’heure. Mais la préoccupation capitale fut d’abord et même toujours celle de se préserver des dangers pouvant résulter du trop grand nombre de nègres. Aussi toutes les mesures prises tendent-elles à les empêcher de se réunir et à épouvanter par la rigueur des châtiments ceux qui se sont rendus coupables de violences.

D’une manière générale, nous devons remarquer cependant que les Français étaient loin d’être les plus cruels. Nous lisons en particulier dans Du Tertre[1] que les Espagnols et les Portugais avaient toujours deux ou trois pistolets à la ceinture et n’hésitaient pas à tuer un nègre à la moindre résistance. Bryan Edwards reconnaît que ses compatriotes les Anglais étaient généralement impitoyables. Enfin, d’après l’auteur de l’Essai sur l’esclavage, « les Français étaient ceux qui traitaient les esclaves avec moins de dureté[2] ».

  1. II, 531.
  2. Arch. Col., F, 129, p. 94.