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et pliantes comme de la baleine[1] ». N’oublions pas un détail : c’est que, la plupart du temps, pour éviter que les plaies faites ainsi ne vinssent à s’enflammer et que la gangrène ne s’y mît, on avait soin de les frotter de jus de citron, de sel ou de_piment.

Les maîtres avaient aussi le droit d’enfermer leurs esclaves au cachot, ce qui était pour eux une peine intolérable lorsqu’on les y gardait la nuit ; ils aimaient mieux souvent supporter le fouet. On les mettait aussi au carcan, en leur appliquant un bâillon frotté de piment. Au début même, l’habitude était de les y attacher par une oreille avec un clou ; puis on leur coupait l’oreille. Du Tertre[2] rapporte à ce propos l’anecdote amusante d’un malheureux nègre qui, ayant déjà perdu une oreille, fut condamné à perdre l’autre ; il demande à parler au gouverneur, se jette à ses pieds et le supplie en grâce de la lui laisser… « parce qu’il ne saurait plus où mettre son morceau de petun », c’est-à-dire sa cigarette.

Citons de plus les ceps, ou fers aux pieds ou aux mains ; la boise, ou pièce de bois que les esclaves sont contraints de traîner, le masque de fer-blanc, destiné à les empêcher de manger des cannes : la barre, qui est une poutre placée à l’extrémité d’un lit de camp et percée de trous, où l’on enferme une jambe ou les deux jambes des condamnés, à la hauteur de la cheville ; ou encore le collier de fer, parfois surmonté « d’une croix de Saint-André en fer, derrière, dont les deux bras d’en haut passent de deux pieds au-dessus de leur tête pour les empêcher de s’enfuir dans les bois[3] ».

Ce ne sont là que les peines particulières usitées presque couramment, sans parler des coups et sévices divers auxquels les malheureux esclaves étaient sans cesse exposés. Mais la justice ne prenait même pas connaissance des fautes légères qui exposaient les nègres à pareille répression.

  1. Du Tertre, II, 530.
  2. Ib., 531.
  3. Ib., 532. — Schœlcher, Col. françaises, 100.