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romain, sans tenir suffisamment compte de la différence des lieux et des temps. Aussi bien renvoyons-nous à l’ouvrage de cet auteur pour l’exposé des théories juridiques relatives à l’action de in rem verso, — de peculio, ou à l’action tributoria, qui peuvent s’appliquer ici[1]. On sait que « l’action est le droit de poursuivre en justice la réclamation de ce qui nous est dû ou de ce qui nous appartient[2] ». Mais l’esclave ne peut pas plus contracter valablement que le mineur. Et comme, en somme, le père de famille ou le maître ne peuvent encourir la responsabilité de tous les actes de leurs fils ou de leurs esclaves, le droit romain avait établi que l’action pouvait être « intentée contre le paterfamilias, non parce qu’il aurait été responsable du fait de son fils de famille ou de son esclave, mais parce qu’il était leur représentant juridique ». C’est cette règle qui semble avoir été suivie aux Antilles. Il est probable que, la plupart du temps, c’étaient les maîtres qui louaient en leur nom les boutiques où devait s’exercer le commerce, de même qu’ils achetaient le fonds ; puis il est possible qu’ils laissassent ensuite une certaine liberté d’opérer par eux-mêmes à des esclaves intelligents, et qu’ils considéraient comme fidèles. Remarquons d’abord qu’en fait il ne s’agissait jamais d’un commerce très considérable ; ce qu’ils vendaient, c’étaient surtout de menus objets de consommation journalière. Nous avons déjà vu en particulier que les esclaves sont exclus des deux commerces les plus importants aux îles, ceux de boucher et de boulanger. Ainsi donc les engagements pris ne devaient jamais monter à des sommes bien fortes. Pour peu, d’ailleurs, qu’un maître surveillât son esclave, il lui était facile de l’empêcher de compromettre son fonds. Sa principale garantie était — disposition singulière — dans le pécule. Or nous savons que les esclaves — en droit — ne peuvent rien avoir en propre. Et pourtant nous nous trou-

  1. Cf. Digeste, XV, iii et i ; XIV, iv.
  2. Grande Encyclopédie, article Action.