Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir. » En regard est l’objection : « Les marchandises colportées par les nègres sont des toiles, des dentelles, des mouchoirs et autres choses de cette nature : ce genre d’effets peut-il être un objet de friponnerie pour des esclaves la plupart sans chemise, allant nu-pieds et vêtus de grosses toiles ? Leurs vols se réduisent à quelques volailles, fruits et légumes évalués à environ 6.000 livres par an. La modicité de ces larcins peut-elle être mise à côté du débit immense des marchandises et du fruit que le commerce en retire ? » La huitième objection est celle-ci : « On compte à la Martinique près de 300 nègres ou négresses formés au colportage, dont le prix était de 3 à 4.000 livres, souvent même au delà ; ils perdent leur valeur. » Mais il y est répondu par l’observation suivante : « Les employer à autre chose. L’intérêt particulier doit céder au bien public. »



V

Ainsi, sur ce point, comme sur bien d’autres, la législation fut assez variable. Mais, du moment que le commerce ou les métiers furent généralement autorisés, quoique avec des restrictions, une question très importante se posait, à savoir qui était responsable des actes de négoce faits par les esclaves. Elle est résolue par l’article 29 du Code Noir, qui distingue deux cas : 1o les maîtres sont tenus de tout ce que leurs esclaves auront fait par leur commandement ; 2o pour tout acte fait sans leur ordre, ils sont « tenus seulement jusqu’à concurrence de ce qui aura tourné à leur profit » ; sinon, c’est le pécule des esclaves qui en sera tenu. On voit là, comme l’a justement fait remarquer M. Trayer[1], la préoccupation excessive d’un jurisconsulte de la métropole d’appliquer aux esclaves de nos colonies les principes du droit

  1. Op. cit., p. 37-38.