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ralement éloignés des villes et où, par conséquent, les marchands ambulants avaient l’occasion de débiter de nombreuses marchandises ; mais c’était aussi un de ceux qui pouvaient le plus facilement prêter au vol. On l’appelait le commerce des paniers. Il avait été longtemps toléré, jusqu’au jour où il fut supprimé à la Martinique par une ordonnance des administrateurs, du 10 août 1765[1]. Les petits marchands de détail blancs s’étaient plaints du préjudice qu’il leur causait. Les nègres vendaient, en effet, meilleur marché, soit qu’ils eussent volé, soit qu’ils recourussent au libertinage pour satisfaire leurs maîtres. Aussi ne leur accorde-t-on de vendre sur les habitations que jusqu’au 1er janvier 1760 ; après quoi ils ne seront plus autorisés qu’à vendre au marché des bourgs, avec billets de leurs maîtres. Cette ordonnance fut approuvée par une dépêche ministérielle du 14 juin 1770[2].

Le Ministre fait cependant observer que l’article 4 lui paraît trop rigoureux : il porte, en effet, suppression des esclaves qui accompagnent les blancs colporteurs ; or les blancs ne sauraient porter eux-mêmes leurs marchandises. « À cet article près, écrit le Ministre, les choses pourront rester en l’état, à moins que vous n’ayez des raisons de décider en faveur des négociants, et, en ce cas, vous voudrez bien m’en faire part. » Suit l’extrait d’un Mémoire qu’avaient adressé les négociants de Saint-Pierre-la-Martinique pour demander suppression de l’ordonnance. Il est sur deux colonnes, la première contenant les observations du gouvernement, la seconde les objections des marchands. Citons l’observation 6 : « Le motif principal de l’ordonnance a été d’assurer le repos et la sécurité de la colonie. D’ailleurs, les négociants ne nieront pas que le colportage a souvent servi de voile au recelage et au larcin par la facilité qu’avaient les nègres de convertir en argent des marchandises qui en nature ne pouvaient leur con-

  1. Durand-Molard, II, 400.
  2. Arch. Col., B, 135, Îles-du-Vent, p. 36. À MM. le comte d’Ennery et de Peinier.