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sion de travailler à leur gré moyennant redevance. On tâchait d’empêcher le plus possible les abus. Mais les circonstances obligeaient parfois de fermer les yeux. C’est ainsi que l’arrêt du Conseil de la Martinique, que nous avons déjà cité à propos de la condition matérielle des esclaves[1], constate qu’il n’est pas possible de remettre en vigueur les règlements qui défendent d’envoyer les nègres à la journée et de leur faire vendre des marchandises dans les campagnes. Le baril de manioc valant alors 60 livres, les maîtres étaient dans l’impossibilité de nourrir leurs esclaves. Force était donc de les laisser presque entièrement libres. Mais cette tolérance n’est que transitoire. Il y est mis fin bientôt après par une ordonnance des administrateurs[2] concernant les esclaves ouvriers. Elle rappelle le Code Noir, les arrêts du 3 novembre 1733, du 11 juillet 1749, du 7 novembre 1757. Les esclaves ouvriers, y est-il dit, vivent comme indépendants. La plupart des chambres qu’ils occupent à loyer sont des lieux de débauches, académies de jeux, retraites assurées pour marrons et voleurs. On leur interdit de les tenir. « Et, attendu qu’il ne serait pas juste que les maîtres des esclaves qui ont fait des dépenses considérables pour leur faire apprendre, soit en France ou en cette île, des métiers utiles à la colonie, perdissent le fruit de leurs dépenses, leur permettons de faire travailler dans leurs maisons et sous leurs yeux leurs esclaves ouvriers, en tant que leur profession pourra le permettre, si mieux ils n’aiment les louer au mois ou à la journée aux blancs ou affranchis exerçant les mêmes métiers. »

Mais pour ceux qui seront loués, on prend maintes précautions. C’est ce que nous montre d’abord une ordonnance des administrateurs de la Martinique, du 1er mars 1766[3]. Il y est dit que les marrons trouvent par ce moyen à se cacher et à

  1. Arch. Col., F, 259, p. 965.
  2. Durand-Molard, II, 396.
  3. Id., ib., 450.