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tromperie dans le négoce il y eût quelqu’un de responsable, et c’est ici qu’intervient la responsabilité du maître.

La principale culture était de bonne heure devenue celle de la canne à sucre ; comme c’eût été, on le comprend, le produit le plus facile à dérober, l’article 18 du Code Noir défend expressément aux esclaves d’en vendre « pour quelque cause et occasion que ce soit, même avec la permission de leurs maîtres », fixe des peines à la fois contre l’esclave vendeur, le maître qui l’y aurait autorisé et l’acheteur. Pour toutes les autres denrées, l’article 19 prescrit la « permission expresse de leurs maîtres par un billet ou par des marques connues ». La vérification sera faite par deux personnes préposées à l’inspection des marchés (art. 20). En dehors même du marché, si un habitant quelconque a lieu de soupçonner qu’un esclave portant quelque marchandise l’a dérobée, il est en droit de demander la production des billets ou marques connues, faute de quoi il est autorisé à saisir ladite marchandise (art. 21).

Cette législation est assurément des plus simples. Mais il n’en fut pas moins très difficile de la faire exécuter ponctuellement. Nous remarquerons que, pour la période antérieure au Code Noir et durant un espace de vingt-cinq ans qui suivit sa promulgation, on ne trouve pour ainsi dire pas de textes à ce sujet. Nous n’avons à citer qu’un règlement du Conseil de la Martinique[1], du 4 octobre 1677, qui interdit aux nègres de traiter des cochons ou volailles, sans billets de leurs maîtres, et enjoint sous peine d’amende à ceux à qui un noir proposera un pareil trafic de l’arrêter ainsi que sa marchandise et d’en avertir le maître qui l’enverra quérir et le fera châtier. On peut se demander d’où provient la rareté des règlements sur ce point. En effet, puisque les Mémoires de Blenac et de Patoulet traitent la question et qu’on juge nécessaire de légiférer à ce propos par plusieurs articles du Code Noir, c’est

  1. Trayer, op. cit., p. 33.