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IV

Il est fatal qu’à chaque instant des difficultés naissent de la situation spéciale des esclaves qu’on fait agir dans certains cas comme des personnes, sans qu’ils en aient la capacité. Elles ont le plus souvent trait à ceux qui exerçaient un commerce, pratiquaient un métier ou bien étaient loués par leurs maîtres.

L’avilissement du travail libre avait ruiné de bonne heure les petits blancs, dont il ne s’était conservé qu’un faible nombre, cultivant de petites propriétés ou bien servant comme ouvriers. La plupart n’ayant pas la moindre mise de fonds, il leur avait été très difficile de monter une entreprise quelconque. Rappelons-nous aussi que les commerces ou industries possibles étaient en somme fort limités. Le grand commerce consistait, en effet, uniquement dans l’exportation des denrées de luxe des îles et l’importation des produits manufacturés du royaume ; mais il est des besoins journaliers auxquels il était incapable de suffire. Aussi, de bonne heure, voyons-nous des maîtres employer certains de leurs esclaves à vendre en particulier des produits alimentaires ou à pratiquer un métier qu’ils leur avaient fait apprendre. Ce motif de les y exercer fut même, — nous le verrons, — une des raisons principales pour lesquelles il fut permis de les emmener en France sans qu’ils devinssent libres.

Tous les règlements sur ce point durent naturellement viser à empêcher les fraudes de ces agents dans lesquels il était difficile d’avoir confiance, étant donné leur penchant instinctif au vol, leur moralité forcément très faible et le manque d’intérêt qu’ils avaient à réaliser des bénéfices uniquement au profit de leurs maîtres. D’autre part, du moment qu’ils faisaient des échanges, il fallait bien qu’en cas de