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cochon. De même, nous avons indiqué au chapitre iv du présent livre que certains faisaient des dépenses relativement considérables pour leur toilette, et nous avons cité les règlements curieux qui leur défendent d’avoir en propre des chevaux.

Toutefois, dans la pratique, il ne s’est jamais agi que d’une jouissance essentiellement précaire et toujours révocable. Ce ne fut que la loi du 18 juillet 1845, qui « autorisa les esclaves à être propriétaires même d’immeubles, mais non d’armes, ni de bateaux ; les droits du noir étaient alors exactement ceux d’un émancipé, ayant son maître pour curateur et capable de laisser une hérédité ou une succession ; le maître ne venait plus qu’à défaut de successibles et de légataires[1]. »

Les esclaves, incapables de posséder réellement, peuvent-ils recevoir ? Il semble que l’article 28 du Code Noir soit susceptible d’interprétations diverses sur ce point, quand il dit : « Tout ce qui leur vient par industrie, ou par la libéralité d’autres personnes, ou autrement, à quelque titre que ce soit. » Ces mots comprennent-ils donations et legs ? C’est ce que paraissent en avoir généralement conclu les magistrats chargés d’appliquer la loi. Il faut dire que, dans la plupart des cas, les donations ou legs n’étaient pas faits à des esclaves, mais qu’ils n’étaient que la conséquence de l’affranchissement ; et cela se comprend, car le premier bien qu’on pût accorder à celui auquel on portait de l’intérêt n’était-il pas la liberté ? Pourtant nous avons trouvé dans les Annales du Conseil souverain de la Martinique[2], à la date du 15 juin 1736, l’annulation d’une donation entre vifs faite à une esclave et à ses enfants. L’arrêt porte que les biens seront adjugés à l’hôpital, conformément à la Déclaration du roi du 5 février 1726[3]. Or ladite déclaration ne parle que des esclaves affranchis et des nègres libres. Il est donc probable que, dans le cas présent, c’est d’une esclave affranchie par son maître

  1. Trayer, op. cit., 44.
  2. Arch. Col., F, 244, p. 237.
  3. Durand-Molard, I, 260, et Moreau de Saint-Méry, III, 139.