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tion et de jouissance, mais dont le maître conservait également la pleine et entière propriété. Xénophon[1] assure que certains esclaves amassaient des fortunes considérables et qu’ils « vivaient dans le luxe et quelques-uns d’entre eux dans la magnificence ». À Rome, l’esclave ne jouit jamais de son pécule qu’à titre d’usufruitier précaire ; or le maître restait toujours libre d’en disposer à son gré. Alors même que l’empereur Léon accorda la propriété de leur pécule aux esclaves du domaine impérial, l’ancienne loi n’en subsista pas moins pour les autres.

En ce qui concerne les esclaves des Antilles, tous les textes législatifs ayant trait à leur pécule spécifient qu’il appartient à leurs maîtres[2]. Ce n’est donc guère dans les ordonnances ou règlements qu’il faut chercher des indications sur ce que les maîtres permettaient à leurs esclaves de posséder. Peut-être, à la rigueur, pourrait-on voir une exception à cette règle absolue dans l’ordonnance du 15 octobre 1786[3], concernant les procureurs et économes gérants des habitations situées aux Îles-du-Vent, titre II, article 2 : « Il sera distribué à chaque nègre ou négresse une petite portion de l’habitation pour être par eux cultivée à leur profit, ainsi que bon leur semblera. » De plus, il est stipulé que les produits ne serviront pas à leur nourriture, qui continue à incomber aux maîtres. Mais il n’est rien dit au sujet du pécule pouvant résulter pour les esclaves de la vente de ces produits. Nous avons bien vu déjà que les esclaves avaient ainsi, dès le début, dans la plupart des habitations, un petit lopin de terre, où ils faisaient pousser des légumes qu’ils allaient vendre au marché. Ils élevaient aussi des volailles, et, parfois même, mouton, chèvre ou

  1. Rép. Ath., I, 10.
  2. Cf. Lettres patentes d’octobre 1716, sur les esclaves conduits en France, art. 8 et 10. Moreau de Saint-Méry, II, 525. — L’article 23 de l’Édit de mars 1724, relatif aux esclaves de la Louisiane, reproduit l’article 29 du Code Noir.
  3. Durand-Molard, III, 696.