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Coutume de Paris autorise un mineur de vingt-cinq ans à disposer par testament de la totalité des meubles : il serait donc nécessaire de rendre cet article inexécutable dans la colonie. Pourtant, la législation française généralement admise alors était que les esclaves ne pouvaient pas être séparés de la terre qu’ils cultivaient. En voici un exemple caractéristique : Un Anglais, habitant Sainte-Lucie, conquise par les Français, avait demandé à emmener ses nègres avec ses effets, parce qu’ils étaient réputés meubles par les lois anglaises. Mais les Administrateurs s’y sont opposés, et le Ministre, par dépêche du 21 mai 1784[1], les approuve. Même décision a été prise pour Tabago, Le 11 mai 1785, un arrêt du Conseil de la Guadeloupe[2] donne mainlevée d’une saisie faite indûment de plusieurs esclaves attachés à une vinaigrerie, infirmant ainsi la sentence du premier juge.

Régis Dessalles[3] résume assez bien ce qui ressort de cette diversité de la jurisprudence : « Toutes nos lois sont donc pour l’inséparabilité des esclaves du fonds où ils sont attachés ; et le législateur ne s’y est décidé qu’après un sérieux examen de la question. Les lois romaines ont été d’une grande considération dans son établissement… Ceux de la campagne (d’après les lois romaines) étaient tellement attachés aux fonds qu’ils étaient censés en faire partie, de sorte qu’ils ne pouvaient pas même être séparés par testament ; et, s’ils étaient légués séparément des fonds, le prix n’en était pas dû aux légataires par l’héritier des fonds, à moins que la volonté du testateur ne fût bien connue et bien expresse. »

Au moment où il s’agissait d’appliquer le Code civil aux colonies, un nommé Parmentier, auteur d’un long Mémoire sur la législation de la Guadeloupe[4], exprime l’avis qu’il y aurait avantage à déclarer les nègres immeubles, car le maître

  1. Durand-Molard, III, 588.
  2. Arch. Col., F, 232, p. 643.
  3. Op. cit., III, 248-249.
  4. Arch. Col., F, 267.