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que la mesure est ordonnée « sans préjudice des autres voies de droit acquises et établies contre eux ».

On voit, à chaque instant, les incertitudes qui continuent relativement aux successions. Les administrateurs de la Martinique sont consultés par le Ministre, le 24 octobre 1741[1], sur cette question particulière : « Les héritiers des meubles peuvent-ils les prendre en nature ou doivent-ils se contenter du prix de leur estimation ? » Il rappelle l’article 48 du Code Noir, plus les lettres patentes du roi du 15 décembre 1721, parle des difficultés qu’on éprouve à se faire payer aux colonies, déclare la question fort complexe et tâche de s’éclairer. La réponse des administrateurs est contenue dans deux Mémoires et deux lettres, des 10 et 11 mai 1742, de MM. de Champigny et de la Croix[2]. Ils développent une longue discussion de textes[3], et ils concluent qu’il n’est pas nécessaire de faire intervenir une nouvelle loi : les esclaves ne peuvent être séparés du fonds ; par conséquent, l’habitation doit être vendue avec eux, et les héritiers doivent toucher leur part en argent[4].

Le 16 février 1753, le Ministre écrit à M. de Laporte-Lalanne[5], pour lui faire des observations au sujet d’une ordonnance qu’il a jugé à propos de rendre et qui déroge à l’ar-

  1. Arch. Col., F, 257, p. 171.
  2. Arch. Col., Colonies en général, XIII, F, 90.
  3. Ils citent, entre autres, une Déclaration du Roi touchant les déguerpissements, du 24 août 1726. Moreau de Saint-Méry, III, 189.
  4. Cf. Dessalles, op. cit., III, 249. « Nul doute qu’ils (les héritiers) ne doivent seulement se contenter de leur prix : il paraît extraordinaire que les nègres, étant meubles, n’appartiennent pas à l’héritier des meubles ; mais il est de règle que personne ne puisse user de son droit de façon à préjudicier aux droits d’autrui. Les droits de l’héritier des propres sont préférables à ceux de l’héritier des meubles… » Il est fait une exception pour le cas d’un partage de communauté : le survivant reprend les esclaves qu’il a apportés, car « ils ne sont attachés au fonds que par une espèce d’emprunt ». — Une déclaration du roi, du 25 novembre 1743, porte à l’article 20 qu’en cas de donation à des communautés les nègres ne sauraient être réputés meubles et seront regardés comme faisant partie des habitations que le roi défend de donner aux communautés. Durand-Molard, I, 481.
  5. rch. Col., F, 144.