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Cette coutume n’était pas suivie partout. À Cayenne, en particulier, on partageait les nègres comme meubles[1], ce qui donnait lieu à de grands inconvénients. Par exemple, un père ou une mère viennent à décéder ; les enfants partagent avec le survivant l’habitation et les nègres. Mais un des enfants meurt ; les frères survivants n’héritent que du fonds de l’habitation qui lui appartenait, et les nègres retournent aux père ou mère survivants, comme héritiers des meubles de leurs enfants. Or, cette partie de l’habitation, privée de ses nègres, est généralement de nulle valeur pour eux. « Le seul remède à ce grand inconvénient serait de déclarer les nègres immeubles et partageables comme le fonds, au moins dans les cas de partage du fonds des habitations par droit de succession. »

Donc, à Cayenne, on s’en tient au Code Noir, malgré les dispositions nouvelles du gouvernement central que nous avons citées pour Saint-Domingue. Une exception est faite au point de vue de la saisie des nègres des habitations : c’est au sujet des esclaves appartenant aux « receveurs reliquataires, leurs cautions et certificateurs, pour les droits qui se poursuivent à Saint-Domingue au profit de Sa Majesté[2] ». Un arrêt du Conseil d’État ordonne leur saisie mobilière, parce que les receveurs abusaient de la perception des droits et qu’ils dissipaient les deniers du roi pour en acheter des habitations à leur profit. Le Ministre, en envoyant ledit arrêt à MM. de Larnage et Maillart[3], leur recommande de n’en user « à la rigueur que contre ceux dont le produit de la vente des nègres suffira pour payer leurs débets ». Ce fait nous donne — par parenthèse — une idée de la régularité de l’administration aux îles, puisque ces receveurs ne sont pas immédiatement révoqués et poursuivis. Il est juste de dire cependant

  1. Arch, Col., C14, 14, p. 74, Mémoire du sieur d’Orvilliers, 1728.
  2. Moreau de Saint-Méry, III, 614, 6 août 1740.
  3. Arch. Col., B, 71, p. 75, 21 septembre 1740.