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contributionau sol la livre de leur dû ; et comme, dans l’île Saint-Domingue on suit la coutume de Paris, il ne peut y avoir de difficulté que les nègres ne font pas partie du fonds. » Nous pouvons nous demander ici pourquoi les juges ont ainsi recours à des analogies et ne rappellent pas plutôt le Code Noir.

La difficulté que le Code Noir semble avoir voulu éviter au sujet des saisies subsistait, ce qui était capital, à propos des successions. Comment procéder en effet pour les partages ? Diviser à la fois la terre et les nègres, il n’y fallait pas songer, car la plupart des cultures, étant donné la manière dont elles avaient été conçues, exigeaient de grandes exploitations. Séparer la propriété foncière et les nègres ? Encore moins. Ou alors c’était la ruine. Aussi voyons-nous, en 1712, le procureur général de la Martinique, le sieur de Hauterive, exposer dans un Mémoire[1] la nécessité d’avoir une explication à la coutume de Paris sur l’article des partages au sujet des nègres, car c’est la ruine des habitations que d’être obligé de les en séparer pour les partager entre les héritiers, il explique quel tort a fait aux îles la loi qui a rendu les nègres meubles. Il semble cependant que l’on soit en droit, dans ce cas aussi, de les considérer comme immeubles, si nous nous en rapportons aux Mémoire et Lettre du Conseil de la Marine et à une ordonnance des administrateurs des 20 octobre 1717 et 6 avril 1718[2]. La question se pose « par rapport aux nègres qui se trouvent dans les habitations possédées par les Anglais ou Irlandais dans les colonies françaises ». Nous jugeons nécessaire de reproduire intégralement la réponse du Conseil de la Marine, qui est des plus explicites : « Les nègres à la vérité, sont au rang des effets mobiliers par leur nature et de (sic) la déclaration de l’année 1685, dont l’article 44 les met au rang des meubles ; mais

  1. Arch. Col., C8, 23.
  2. Moreau de Saint-Méry, II, 597. La lettre du Conseil répond à une autre de MM. Chateaumorant et Mithon, du 30 mai 1717.