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autres leur possession[1]. Comme l’a remarqué justement un auteur, « dans le mouvement d’expansion qui, depuis le xvie siècle, porta les puissances maritimes de l’Europe occidentale vers le Nouveau Monde, chacune d’elles comprit que l’archipel des Antilles était l’avant-scène du continent Américain et voulut y prendre pied[2] ».

Le P. Du Tertre, qui fut un des premiers pionniers de la colonisation française aux îles d’Amérique et qui en a raconté les débuts dans un ouvrage des plus consciencieux et des plus intéressants, commence par l’histoire de Saint-Christophe, parce que, dit-il, « cette île a été comme la pépinière qui a fourni toutes les autres îles[3] ». Belain d’Esnambuc[4] y fit, en 1625, un premier voyage avec Urbain du Roissey et quelques Normands. En arrivant, ils trouvèrent plusieurs compatriotes, venus on ne sait quand, et dont le chef, le huguenot Levasseur[5], leur céda ses droits. Lorsqu’ils repartirent bientôt après, ils possédaient déjà deux forts « ezquels y a 80 hommes et des munitions pour leur conservation, et aussy des esclaves jusques au nombre de 40 ou environ[6] ». Ce sont les premiers esclaves qu’aient possédés les Français aux Antilles. Encore ne pouvons-nous savoir comment ils se les étaient procurés, car d’Esnambuc ne les avait sûrement pas amenés avec lui. Il est probable que c’était le résultat de quelque prise faite sur les

  1. Cf. P. Charlevoix, Histoire de l'Isle Espagnole ou de Saint-Domingue, III, 2, 3. — Dessalles (Adrien), Histoire générale des Antilles, I, 66.
  2. Duval (Jules), Les Colonies, etc., p. 125.
  3. Du Tertre, Histoire générale des Antilles habitées par les Français, I, 3.
  4. Cf. Margry, Origines transatlantiques. Comme l’auteur l’indique, p. 12, Belain signe d’Esnambuc et non d’Enambuc, nom sous lequel le désignent bien des historiens.
  5. Ibid., p. 68. C’est ce même Levasseur qui s’installa dans la suite à l’île de la Tortue.
  6. Ib., Appendix VI, p. 99. Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, 31 octobre 1626. Cette pièce est tirée des Archives du Ministère des Affaires Étrangères ; Amérique, Mém. et Doc, t. IV, pp. 69 à 72. C’est une collation faite, le 27 décembre 1719, par les Conseillers du roi, notaires au Châtelet, sur la minute originale demeurée en la possession de l’un d’eux.