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coup la majeure partie des esclaves qui travaillaient sur les habitations. Les voilà donc, en fait, considérés comme immeubles. L’article 49 en fait bien aussi réellement des immeubles, puisque le fermier judiciaire d’une habitation ne peut pas « compter parmi les fruits qu’il perçoit les esclaves qui seront nés des esclaves pendant son bail ». C’est la règle suivie par les Romains[1]. L’article 50 n’est guère qu’une confirmation du précédent.

L’article 51 englobe aussi les esclaves avec le fonds au point de vue du produit de la vente, tandis que le Mémoire de Blenac et Begon indiquait que le prix des esclaves devait être distribué séparément aux créanciers et comme provenant de biens meubles. Cette disposition paraît plus conforme au droit. Comme le remarque justement Moreau de Saint-Méry[2], « cet article ne peut avoir lieu qu’autant que toutes les dettes se trouveront privilégiées ou hypothéquées ; car, lorsqu’il y a des créanciers chirographaires, tant que les esclaves seront meubles, leur prix doit leur être partagé au sol la livre, ce qui se fait par ventilation, en cas que les esclaves aient été vendus avec le fonds ». Et il renvoie à l’article 46. D’ailleurs, l’article 52 ajoute immédiatement une restriction à l’article 51 en ce qui concerne les droits féodaux et seigneuriaux, qui « ne seront payés qu’à proportion du prix des fonds ». Il y a donc lieu de recourir à une ventilation, pour que ces droits ne soient pas perçus sur les esclaves, comme le veut l’article 44. L’article 53 ne fait que

  1. In pecudum fructu etiam fetus est, sicuti lac et pilus et lana : itaque agni et hœdi et vituli et equuli statim naturali jure domini sunt fructuarii ; partus vero ancillæ in fructu non est ; itaque ad dominum proprietatis pertinet ; absurdum enim videtur hominem in fructu esse, cum omnes fructus rerum natura hominum gratia comparavit.Institutes, liv. II, tit. I, § 37. Cf. le Commentaire d’Ortolan, p. 300-301, n° 409. « … Bien que l’esclave fût au rang des choses, c’eût été descendre au dernier degré de la dégradation que de la considérer comme destinée au croît et d’assimiler son enfant à un fruit. En fait, et prenant l’origine de la question, on voit que c’est un sentiment de dignité pour l’homme qui l’avait fait soulever par les jurisconsultes philosophes [Gaius, Ulpien] et qui avait dicté la décision insérée aux Institutes. »
  2. Arch. Col., F, 236, p. 674.