Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup plus rares que dans l’antiquité ou dans les premiers temps du christianisme, par suite du préjugé de couleur, qui établissait dans les temps modernes une ligne de démarcation bien plus profonde qu’autrefois entre les libres et les esclaves.

Le dernier privilège qu’assurât aux nègres esclaves le fait d’être chrétien était celui d^être enterrés en terre sainte, tandis que ceux qui n’étaient pas baptisés devaient être enterrés, la nuit, dans quelque champ voisin du lieu où ils seraient décédés.



II

Ces hommes et ces femmes, auxquels l’Église administre les sacrements, ces chrétiens, frères spirituels de leurs maîtres, n’en restent pas moins leur propriété ; par là, de ce rang de personnes auquel ils semblaient un instant s’être élevés, ils redescendent au rang des choses.

Une question capitale qui se pose à leur sujet, qui a nécessité de fréquents règlements avant qu’on pût en arriver à une jurisprudence fixe, c’est celle de savoir si les nègres sont meubles ou immeubles.

Le premier texte auquel il nous ait été permis de remonter à ce propos est un arrêt du tribunal souverain de la Guadeloupe, du 4 septembre 1655[1], annulant la vente de deux négresses d’un habitant décédé, « comme contraire à l’usage ». Il est observé que cette vente serait nuisible aux progrès de l’agriculture et ordonné, en conséquence, qu’elles ne pourront être vendues que conjointement avec l’habitation. Ainsi donc, dès le début, les esclaves devaient être considérés comme immeubles par destination.

Pourtant la règle semble avoir fléchi bien vite. En effet,

  1. Arch. Col., F, 236, p. 433.