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avait abandonné son esclave infirme, à payer pour lui 15 sols par jour à l’hôpital auquel il avait été adjugé. Mais que de malheureux qui, en fait, devaient mourir faute de soins ! De ceux que la vieillesse seule empêchait de travailler, il n’y en avait guère, car la plupart d’entre eux s’usaient vite au régime auquel on les soumettait. Les incurables par suite d’infirmités, délaissés dans leurs cases, ne languissaient généralement pas longtemps. Il n’y avait en fait que les esclaves capables de leur rendre des services en travaillant que les maîtres fussent intéressés à faire soigner, quand ils étaient atteints de quelque maladie.

Or les nègres étaient plus sujets que les blancs à un certain nombre de maladies. Tels étaient les ulcères, causés souvent par un petit insecte particulier aux Antilles, la chique[1], qui les atteignait plus spécialement, parce qu’ils allaient toujours nu-pieds ; — l’éléphantiasis ; — la ladrerie ; — et surtout le pian ou l’épian[2]. Cette dernière maladie a été confondue assez souvent avec la siphylis, mais elle doit en être distinguée ; les Européens ne la contractent pas, et il est à remarquer que jamais le même individu n’en est atteint deux fois. Un arrêt du Conseil du Petit-Goave, du 14 novembre 1712[3], « permet au nommé La Croix de traiter des nègres pianistes seulement, et lui fait défense au surplus d’exercer l’art de chirurgie, en ayant été trouvé incapable. » Une maladie frappant surtout les petits nègres était le tétanos, vulgairement appelé mal de mâchoire. Longtemps elle avait été réputée incurable, jusqu’en 1788, où nous voyons, dans un Précis des observations de la Guyane[4], qu’il a été découvert un remède, non indiqué d’ailleurs, et que l’auteur déclare n’avoir pas

  1. Cf. Labat, Nouveau voyage aux isles…, I, 155-137, pour des détails sur la chique.
  2. Cf. A. de la Charrière, Réflexions sur l’affranchissement des esclaves dans les colonies françaises.
  3. Moreau de Saint-Méry, II, 332.
  4. Arch. Col., F, 21.