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Le vaudoux est une danse religieuse. Ce nom de Vaudoux est appliqué par les nègres à un être surnaturel, qu’ils se représentent sous la forme d’une couleuvre, dont un grand-prêtre ou une grande-prêtresse interprète les volontés. Les esclaves l’invoquent souvent pour lui demander de diriger l’esprit de leurs maîtres. Ils se livrent alors à des sortes de bacchanales, dans lesquelles, surexcités par les spiritueux, ils en arrivent à trembler violemment, à se mordre, et enfin à perdre tout sentiment. C’est dans les assemblées du vaudoux que se tramaient fréquemment les complots ; chaque nègre faisait le serment de ne rien révéler, sous les peines les plus terribles.

La danse à don Pèdre, qui ne date que de 1768, était encore plus violente ; il n’était pas rare de voir des nègres tomber morts, parce qu’ils avaient bu en grande quantité du tafia mélangé de poudre à canon écrasée.

À côté du tragique, voici le plaisant : « Les nègres domestiques, imitateurs des blancs qu’ils aiment à singer, dansent des menuets, des contredanses, et c’est un spectacle propre à dérider le visage le plus sérieux que celui d’un pareil bal, où la bizarrerie des ajustements européens prend un caractère parfois grotesque[1]. » Naturellement tout cela variait, et d’après l’origine même des esclaves et d’après leur condition. Comme le remarque encore Moreau de Saint-Méry[2], « les nègres de la côte d’Or, belliqueux, sanguinaires, accoutumés aux sacrifices humains, ne connaissent que des danses féroces comme eux ; tandis que le Congo, le Sénégalais et d’autres Africains, pâtres ou cultivateurs, aiment la danse comme un délassement, comme une source de voluptés ».

Citons encore la lutte parmi leurs amusements favoris. Ils feignaient des combats et prenaient différentes attitudes de vainqueurs et de vaincus. Ils faisaient en particulier preuve

  1. Moreau de Saint-Méry, Descr. de Saint-Domingue, I, 60.
  2. De la Danse, p. 43.