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la semaine fait sa toilette pour aller le dimanche à l’église ou au marché, et l’on aurait de la peine à le reconnaître sous ses vêtements fins. »

Ces citations nous montrent combien les nègres aimaient à se parer. Aussi dut-on faire des règlements sur le luxe des esclaves. En voici un des général et intendant de la Guadeloupe, du 4 juin 1720[1]. L’article 1er déclare que les mulâtres et Indiens, esclaves employés à la culture des terres, ne pourront être habillés que conformément au Code Noir, sous peine de prison et de confiscation. D’après l’article 2, les domestiques seront communément habillés ou de Vitré ou de Morlaix, ou de vieilles hardes équivalentes seulement de leurs maîtres ou maîtresses, avec colliers et pendants d’oreille de rassade ou argent, et pourpoint et candale de livrée, suivant la qualité desdits maîtres et maîtresses, avec chapeaux et bonnets, turbans et brésiliennes simples, sans dorures, ni dentelles, ni bijoux, ni pierreries, ni soie, ni rubans.

Mais il ne dut guère être tenu compte de ces prescriptions ; nous pouvons en juger par les détails rapportés dans un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 2 septembre 1749[2], défendant de louer des boutiques ou logement quelconque aux nègres, même avec billet et permission de leurs maîtres. « Leurs habillements bien au-dessus de leur état, leur maintien hardi, insolent, les bijoux dont ils se parent, les festins, les bals qu’ils se donnent, les cabarets qu’ils fréquentent jour et nuit, le gros jeu qu’ils y jouent[3] ne sont que la plus petite partie des plaintes qu’il (le procureur général) est obligé de porter à la Cour. » Naturellement, pour satisfaire aux dépenses de ce luxe immodéré, il leur faut gagner de l’argent, et ils ne le peuvent que par la facilité

  1. Durand-Molard, I, 159.
  2. Arch. Col., F, 226, p. 475.
  3. Cf. Durand-Molard, I, 206, ordonnance des administrateurs du 20 septembre 1723, portant que « les esclaves ne peuvent s’immiscer dans les loteries ou jeux ».