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VI. — L’esclavage des noirs africains domine toute l’histoire des Antilles. — Indication des principales phases de cette histoire par rapport à notre sujet.


I

Les progrès de la civilisation, après avoir transformé peu à peu l’esclavage antique en servage pendant les premiers siècles de notre ère, avaient amené sa disparition à peu près complète dans l’Europe chrétienne vers la fin du Moyen Age[1] ; depuis le xe siècle, d’ailleurs, il n’avait plus subsisté réellement que dans des cas exceptionnels. Les Espagnols et les Portugais furent les derniers à le pratiquer dans l’ancien continent[2], comme les premiers à l’importer au Nouveau Monde. Ce fut, on le sait, la découverte de l’Amérique qui

  1. Voir à ce sujet : Éd. Biot, L’abolition de l’esclavage ancien en Occident. — J. Yanoski, De l’abolition de l’esclavage ancien au Moyen Âge, etc.
  2. Biot, op. cit., p. 419 : « Au xive siècle, la traite des esclaves se continuait dans toute l’Espagne ; des maisons espagnoles faisaient métier d’enlever des chrétiens et de les vendre aux Maures. » — P. 420 : « Au xve siècle, les Espagnols faisaient la traite des Maures, des nègres, des habitants des Canaries et autres. » — P. 423 : « Les édits du xviie siècle nous montrent encore des esclaves chrétiens en Espagne. » — Sismondi, Histoire des républiques italiennes, édition de 1810, VI, 170, rapporte que, Sforza ayant pris Plaisance en 1447, les soldats eurent la permission « de réduire en esclavage 10.000 citoyens et de les vendre au plus offrant ». — En Roussillon, l’esclavage persista jusqu’au xviie siècle. Cf. Aug. Brutails, Étude sur l’esclavage en Roussillon. L’auteur prouve qu’il y avait des esclaves blancs et même des noirs, qui venaient d’un peu partout ; nombreux exemples cités en note, pp. 7 et 8. — Cf. aussi A. Tourmagne, Histoire de l’esclavage ancien et moderne, p. 288, 289, au sujet du commerce d’esclaves dans les villes italiennes. — Dans un article de la Revue Britannique de décembre 1835 (De l’esclavage chez les peuples anciens et modernes), il est dit, p. 217 : « Le commerce vénitien ramena en Europe l’habitude des esclaves noirs que les Asiatiques préfèrent à tous les autres et pour lesquels les Romains eux-mêmes avaient une grande prédilection. Chez les peuples les plus catholiques et les plus méridionaux de la chrétienté, l’opinion s’établit généralement que tout païen méritait d’être esclave. Les guerres des croisades ne firent qu’augmenter ce préjugé. » — Nous pourrions ajouter que les chrétiens n’ont fait qu’user de réciprocité à l’égard des musulmans, puisque Mahomet avait fait de l’esclavage une institution fondamentale de l’islamisme.