Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussi reconnaît-on de plus en plus la nécessité de prendre des mesures efficaces. Mais on n’y parvient pas. En effet, le 10 novembre 1763, le Conseil supérieur se voit obligé de prendre un arrêté[1] pour surseoir à l’exécution d’un règlement préparé à cet effet. Il y est dit : « Quoique les inconvénients qui résultent des abus que la Cour se proposait de réformer par le règlement soient très grands et tels qu’ils tendent à la perte nécessaire de la colonie, cette réformation ne paraît pas cependant pouvoir convenir ni s’accorder avec les circonstances actuelles. » Ledit règlement est cependant promulgué le 2 juillet 1765 par un autre arrêt du même Conseil[2]. Il enjoint aux propriétaires d’avoir 500 fosses de manioc par tête de nègre payant la capitation ; si les terres sont impropres à la culture du manioc, on y suppléera par des plantations de riz, de bananes ou de patates, que le pays produit abondamment.

Malgré ces précautions, les nègres continuèrent sans cesse à être mal nourris. Dès que la guerre survenait et que les arrivages de France étaient suspendus, c’étaient les maîtres eux-mêmes qui risquaient d’être pris par la famine. Un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 14 janvier 1784[3], témoigne aux administrateurs le désir de voir s’établir dans la colonie une classe d’habitants vivriers, qui auraient pour unique but la culture des vivres et l’entretien des bestiaux, surtout pour parer aux nécessités pouvant résulter de la guerre. Comment se fait-il qu’on n’ait pas songé plus tôt à recourir à ce moyen ? Comment même ne le mit-on pas au moins alors en pratique ? C’est ce qu’il est difficile de s’expliquer, sinon par nous ne savons quelle insouciance des colons habitués à vivre au jour le jour ? L’auteur d’un Mémoire relatif à la Guyane[4], Préville, signale cette impossibilité qu’il

  1. Arch. Col., F, 256, p. 965.
  2. Arch. Col., F, 260, p. 397.
  3. Arch. Col., F, 232, p. 421.
  4. Arch. Col., F, 21. Mémoire du 21 octobre 1785, p. 33.