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de la Martinique[1] prescrit aux habitants « de planter et cultiver des vivres » pour assurer la nourriture des esclaves, et aux officiers des milices d’y veiller et d’en rendre compte. Nous lisons dans Du Tertre (II, 515 à 520) que, de bonne heure, certains Français, pour se soustraire à cette obligation, voulurent imiter le système pratiqué par des Hollandais qui, chassés du Récif, étaient venus s’établir à la Martinique et à la Guadeloupe, et gouvernaient leurs esclaves « à la façon du Brésil », c’est-à-dire, au lieu de leur fournir nourriture et habits, leur laissaient le samedi libre et une certaine quantité de terre pour travailler. Les nègres plantaient des pois, des patates, du manioc, et particulièrement des ignames, « qu’ils aiment sur toutes choses ». Les femmes cultivaient des herbes potagères, des concombres, des melons de toute sorte et des giraumons, que les hommes allaient « vendre au marché, les dimanches et les fêtes, entre les deux messes ». Le produit devait leur servir, à l’occasion, à acheter de la viande et du poisson. Cependant, comme ils n’étaient pas aussi bien « stylés à ce petit ménage » que ceux du Brésil, ils étaient contraints de voler. Il paraît n’y avoir eu de suffisamment nourris que les esclaves chargés de faire cuire le sucre. Aussi jugea-t-on utile de réglementer le régime alimentaire par le Code Noir. L’article 22 est ainsi conçu : « Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et demie au moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de bœuf salé, ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion ; et aux enfants, depuis qu’ils sont sevrés jusqu’à l’âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. » L’article 23 interdit de donner à la place de l’eau-de-vie de canne ou guildive, et l’article 24 d’accorder aux esclaves un jour de liberté en remplacement de la nourriture.

  1. Moreau de Saint-Méry, I, 68.