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doit s’attacher à exclure de tous emplois les blancs ainsi mariés.

Ce qui paraît singulier, c’est qu’antérieurement l’article 6 de l’Édit de mars 1724, promulgué pour la Louisiane, avait formellement interdit le mariage des blancs avec les noirs[1].

Presque toujours les unions, légitimes ou non, avaient lieu entre hommes blancs et négresses. Il ne parait y avoir eu que de très rares exemples du contraire. Nous n’avons relevé qu’une affaire de ce genre, rapportée dans les Annales de la Martinique[2]. Il s’agit d’un procès criminel concernant une fille blanche, Marie-Claire Boulogne, accusée d’avoir celé sa grossesse et d’avoir mis à mort l’enfant qu’elle avait eu d’un nègre. Il fut, d’ailleurs, prouvé qu’il était mort-né. Mais la femme fut condamnée quand même au bannissement, « plutôt par l’indignité de cette fille de s’être prostituée à un nègre et l’éclat qu’avait fait cette affaire dans le public » que par soupçon du meurtre de l’enfant.



III

Naturellement le remède le plus simple et le meilleur à tous les points de vue eût été de marier entre eux les nègres esclaves, de favoriser en eux l’esprit de famille, de se les attacher par un traitement humain, d’arriver progressivement à les affranchir, c’est-à-dire à changer leur situation d’esclaves en une sorte de servage ou plutôt de domesticité. Cette mesure aurait sans doute prévenu les difficultés si graves que devait présenter le problème de l’abolition de

  1. Moreau de Saint-Méry, II, 88. « Défendons à nos sujets blancs de l’un et l’autre sexe de contracter mariage avec les noirs à peine de punition et d’amende arbitraire ; et à tous curés, prêtres ou missionnaires séculiers ou réguliers et même aux aumôniers des vaisseaux de les marier… »
  2. Arch. Col., Ann. Mart., II, 563. Cf. F, 259, p. 227, lettre du Ministre, du 26 octobre 1757, sur ce sujet. — Labat raconte aussi — 2{{e} partie, ch. VI — l’histoire d’une blanche qui, s’étant amourachée d’un esclave de son père, en eut un enfant.