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négresse. — Un habitant de la Guadeloupe, Le Maire, marié, ayant eu un enfant d’une mulâtresse, les Pères de la Charité obtinrent la confiscation de la femme et de l’enfant. Mais le père enleva la mulâtresse et passa avec vingt nègres chez les Anglais[1].

Les deux premiers exemples que nous venons de citer sont rapportés par Dessalles[2], qui a soin d’ajouter que l’article n’est plus suivi depuis longtemps (il écrivait en 1786). Une des principales raisons, dit-il, c’est que les esclaves sont « pétris de mensonge » et qu’il pourrait fort bien arriver qu’une négresse accusât son maître d’une fausse paternité[3]. L’auteur, qui vivait à la Martinique, ne craint pas d’ajouter : « La plupart des maîtres non mariés vivent concubinairement avec leurs esclaves ; il est des besoins physiques qui se font sentir dans les climats chauds plus que partout ailleurs ; il faut les satisfaire. » Mais il est d’avis qu’on devrait défendre aux blancs sous les peines les plus sévères d’épouser des gens de couleur.

Le concubinage ne put, en réalité, jamais être empêché. Il était rare que l’article 9 du Code Noir fût appliqué. De temps en temps seulement on tâchait d’arrêter un débordement par trop considérable. Ainsi, le 18 décembre 1713[4], les administrateurs de Saint-Domingue font paraître une ordonnance y relative : « La tolérance de nos prédécesseurs et des Conseils supérieurs, y est-il dit, a causé une infâme prostitution. » Nombre de maîtres, « au lieu de cacher leur turpitude, s’en glorifient… tenant dans leurs maisons leurs concubines et les enfants qu’ils en ont eus et les exposant aux yeux d’un chacun avec autant d’assurance que s’ils étaient procréés d’un légitime mariage ». De là une corruption géné-

  1. Arch. Col., F, 134, p. 10, 13 juillet 1708.
  2. III, 290.
  3. Cf. Labat, Nouveau voyage aux isles…, II, 185-186 : Plaisante histoire du Frère X…, réclamant la confiscation d’une négresse, qui se défend en soutenant qu’il est lui-même le père de son enfant : « Toi papa li ».
  4. Moreau de Saint-Méry, II, 406.