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crites par l’Église ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les enfants rendus libres et légitimes. » Or il est très rare que le père se soit décidé à recourir à ce moyen, quoique nous en ayons trouvé des exemples[1]. Ainsi un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 8 mars 1727[2], déclare le mariage contracté depuis dix-huit ans par le sieur Petit (il s’agit de sa succession) avec Madelon, négresse à lui appartenant, bon et valable, y joint les conclusions contraires du procureur général — qui expose 11 cas de nullité d’après les ordonnances — et le vote explicite de chaque conseiller. Dans une lettre que le procureur général adresse à l’intendant sur le même sujet, quelques jours après, le 12 mars[3], il déclare que c’est indignement violer les ordonnances.

Nous remarquerons que les mémoires de Patoulet et de Blenac ne traitent pas du tout cette question. Étant à même de savoir ce qui se passait, ils avaient peut-être jugé qu’il n’était pas possible d’arriver à un règlement général satisfaisant. Les légistes qui ont rédigé le Code Noir, tout en tenant un large compte de leurs indications, ont dû évidemment se guider sur ce point comme sur plusieurs autres, d’après les textes de l’antiquité relatifs à l’esclavage qu’ils connaissaient, en essayant de les adapter dans une certaine mesure aux idées de leur époque. Chez les Hébreux, le maître qui abusait d’une de ses esclaves devait être fouetté et condamné à une pénitence publique[4]. Si la captive a eu de son plein gré des relations avec son maître, il est forcé de l’épouser, et, dans le cas où il la renvoie, il faut qu’il l’affranchisse[5]. On sait qu’en Grèce les femmes esclaves étaient tenues de partager la couche de leur maître. Les enfants qui naissaient de

  1. Cf. Labat, Nouveau voyage aux isles…, II, 190 : « Je n’ai connu dans nos Îles-du-Vent, que deux blancs qui eussent épousé des négresses… »
  2. Arch. Col., F, 224, p. 213.
  3. Ib., ib., 241.
  4. Lévit., XXV, 45. — Exode, XXI, 4.
  5. Deutér., XXI, 10, 15.