Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’appartenaient pas. Aucune mesure législative ne paraît avoir été prise tout d’abord pour les défendre. On a visé simplement à les garantir contre les commandeurs, auxquels il était trop facile d’abuser d’elles. En effet, un règlement de M. de Tracy, lieutenant général de l’Amérique, du 16 juin 1664[1], défend à ceux-ci de les débaucher sous peine de 20 coups de liane pour la première fois, 40 pour la deuxième, 50 et la fleur de lys à la joue pour la troisième (article 8). Du Tertre fait allusion à une ordonnance que nous n’avons pu retrouver : « Quand quelque commandeur abuse d’une nègre (sic), l’enfant mulâtre qui en vient est libre, et le père est obligé de le nourrir et de l’entretenir jusqu’à l’âge de douze ans, sans l’amende à laquelle il est encore condamné. Les gouverneurs et les juges tiennent la main à la garde de cette ordonnance, qui passe présentement pour loi dans les îles, afin d’empêcher ce détestable abus, qui n’est pas à présent si commun qu’il a été[2]. » Il est singulier qu’on ne nous dise pas si le commandeur, dans ce cas, conservait encore la surveillance des nègres ; car la femme restait exposée à son ressentiment. L’enfant est-il laissé à sa mère ? Que devient-il, arrivé à douze ans ? Autant de questions sur lesquelles nous n’avons aucun renseignement positif. L’amende devait servir à indemniser le maître qui perdait ainsi le nouveau-né. Comment aussi s’assurait-on de la paternité ? Le même auteur constate que les blancs qui ont commerce avec des négresses sont passibles de la même peine, sauf le châtiment corporel. « Il y a, ajoute-t-il, quantité de ces mulâtres dans les îles, qui sont libres et qui travaillent pour eux ; j’en ai vu quelques-uns assez bien faits qui avaient épousé des Français. Ce désordre pourtant a été autrefois plus commun qu’il n’est pas (sic) aujourd’hui, car la quantité de femmes et de filles dont les Antilles sont fournies l’em-

  1. Moreau de Saint-Méry, 1, 117.
  2. II, 460.