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nègres ignoraient ce qu’est la chasteté. Qu’ils eussent une ou plusieurs femmes, suivant leurs ressources, ils n’éprouvaient à leur sujet qu’une « jalousie purement charnelle[1] », et il leur arrivait souvent de les prostituer, « soit par hospitalité, soit par amour du lucre ». Un fait invoqué comme preuve du peu de chasteté des négresses, c’est que chez les nègres les générations se suivent par la ligne féminine : les héritiers d’un homme sont les enfants de sa sœur. « Le noir semble plus sûr de retrouver son sang dans ses neveux du côté de sa sœur que dans les enfants de ses femmes. » Seuls les rois et les chefs s’appliquaient à tenir sévèrement leurs concubines, « par orgueil et par amour de la domination ». Les malheureux, réduits en esclavage, que l’on exportait, n’étaient généralement pas polygames. S’ils avaient au moins une femme à eux, d’abord il n’était pas toujours sûr qu’ils fussent vendus en même temps qu’elle, au même marchand. En admettant même qu’il en fût ainsi, ils se trouvaient tout de suite séparés dès l’embarquement. Rien ne nous indique qu’on prît soin de les réunir à l’arrivée et surtout que les maîtres fussent obligés de les acheter ensemble. On ne fait guère de différence entre les nègres et les bêtes d’un troupeau. Au début, nous l’avons vu, rien ne protège en eux l’humanité. On juge, par conséquent, des abus qui durent se produire.

Quand les premiers colons vinrent s’établir aux îles, c’est à peine s’il y avait quelques femmes parmi eux. Pendant longtemps les administrateurs réclameront auprès du gouvernement de la métropole, afin qu’on envoie d’office un certain nombre de filles d’hôpital, orphelines ou enfants trouvées, pour les marier avec les Européens. Mais, en attendant, le mélange des races avait trop d’occasions fatales de se produire pour qu’il n’en fût pas ainsi. Il suffit de rappeler que, sous un climat chaud, les négresses étaient à peine vêtues, qu’elles étaient de mœurs naturellement faciles et qu’elles ne

  1. Girard de Rialle, op. cit., p. 60 et sqq.