Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effet, une lettre du Ministre aux administrateurs de la ^Martinique, du 29 décembre 1752[1], désapprouve un projet qu’ils avaient présenté pour l’établissement d’une confrérie intitulée : « L’Esclavage de la Sainte-Vierge. » Il y est dit que « le roi sera toujours favorablement disposé à favoriser tous les arrangements qui pourront contribuer à l’instruction des nègres », mais qu’il ne faut pas oublier la nécessité de les contenir. Le 24 novembre 1763, le Conseil supérieur du Cap rend un arrêt définitif qui prononce l’extinction des Jésuites et leur expulsion hors de la colonie[2]. Il rappelle l’arrêt précédent de la Cour, du 18 février 1761, « qui prescrit l’établissement fait en cette ville par les soi-disant jésuites d’un prétendu curé des nègres », ainsi que les abus qu’ils ont autorisés. Il cite « un billet écrit en latin par le Frère Langlois à un desservant de l’église du Port Margot, qui constate que les soi-disant Jésuites favorisaient la désertion des esclaves ». Selon le procureur général, c’est à la doctrine et à la morale pratique des Jésuites envers les esclaves qu’on doit principalement imputer « les crimes énormes, notamment les profanations et empoisonnements commis par lesdits esclaves ».

Mais on se demande quel intérêt auraient eu les Jésuites à pousser les esclaves au crime. Ne risquaient-ils pas, au contraire, d’en être les premières victimes ? À juger les choses impartialement, il paraît probable que le procureur a grossi les faits pour obtenir la condamnation d’un ordre qui inquiétait le pouvoir laïque[3]. Les magistrats se montrent, en effet, sans cesse préoccupés d’empêcher les empiétements

  1. Arch. Col., F, 258, p. 691, et B, 95, Îles-du-Vent, p. 56.
  2. Moreau de Saint-Méry, IV, 626. — Ce n’était qu’à la suite de lettres patentes du 3 juin précédent (Id., IV, 586), concernant la poursuite des biens de la Compagnie ; les lettres patentes, communes à toutes les colonies, n’eurent à Saint-Domingue aucune exécution, l’établissement d’un séquestre ayant même eu lieu précédemment par arrêt du Conseil du Cap, du 9 décembre 1762 ; aussi leurs dispositions furent-elles changées par d’autres lettres patentes du 27 octobre 1764 et, enfin, rendues sans effet par celles du 14 février 1768.
  3. N’oublions pas non plus que le P. La Valette, qui venait de faire une faillite de 3 millions, était supérieur des missions de la Martinique.