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faire fermer pendant les offices. Un arrêt du Conseil de la Martinique, du 5 septembre 1689[1], condamne un cabaretier à 300 livres de sucre d’amende pour avoir vendu de l’eau-de-vie à des nègres et négresses un dimanche, pendant le service divin. Un règlement du gouverneur de la Guyane, du 1er janvier 1696[2], qui ordonne de faire baptiser les esclaves et de leur administrer les sacrements, défend, en outre, aux cabaretiers de leur vendre ni vin ni eau-de-vie les jours de fêtes et de leur donner à manger de la viande les jours maigres. Par parenthèse, cette dernière précaution paraît à peu près superflue, vu qu’ils n’étaient pour ainsi dire jamais libres ces jours-là. Une ordonnance d’un gouverneur, du 1er août 1704[3], défend les assemblées et danses des nègres esclaves les dimanches et fêtes, pendant le service divin ; elle interdit aussi qu’ils battent du tambour pendant les offices religieux ou après le coucher du soleil et pendant la nuit ; c’était une de leurs distractions favorites.

Les processions, auxquelles on avait voulu les associer, n’étaient guère pour eux qu’une occasion de parade, de divertissement et de désordre. Une lettre de De Bompard, gouverneur de la Martinique, du 20 juillet 1753[4], nous fournit de curieux détails à ce sujet. S’étant rendu à Saint-Pierre pour voir une procession des nègres à l’occasion de la Fête-Dieu, il a trouvé que rien n’était plus indécent. Il y avait deux curés des nègres, un jacobin et un jésuite. Comme la procession avait lieu après celle des blancs, ils avaient voulu rivaliser avec eux d’apparat. Un grand nombre de nègres y figuraient avec des armes (il est vrai qu’elles étaient de bois), et leur discipline lui a paru remarquable. « Plusieurs autres vêtus d’habits très riches représentaient le roi, la reine, toute la famille royale, jusqu’aux grands officiers de la couronne.

  1. Arch. Col., F, 246, p. 333.
  2. Trayer, op. cit., p. 24.
  3. Moreau de Saint-Méry, II, 12.
  4. Arch. Col., F, 144.