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haut[1], il est dit : « La Religion, par la sainteté de son principe, comme par l’excellence de sa fin, doit fixer les premiers regards de l’Administration… C’est surtout par le frein qu’elle impose que peuvent être maintenus des esclaves, trop malheureux par l’esclavage même, et également insensibles à l’honneur, à la honte et aux châtiments. » Ici, on le voit, l’utilité pratique de la religion est nettement indiquée. En général, cette idée est plutôt sous-entendue. Mais, jusqu’aux dernières années de l’ancien régime, le gouvernement donne des ordres en ce sens. Une ordonnance du roi sur les missions ecclésiastiques, du 24 novembre 1781[2], contient l’article suivant : (X) « Le préfet apostolique veillera particulièrement à ce que les esclaves dans chaque paroisse reçoivent de leurs curés les instructions nécessaires et les sacrements de l’Église, et, dans le cas où il aurait connaissance de négligence ou empêchement de la part des maîtres, il en donnera avis aux gouverneur, lieutenant général et intendant, afin qu’il y soit par eux pourvu. »



IV

Telle est la théorie ; mettons en regard ce qui se passait dans la pratique.

Naturellement l’instinct l’emportait le plus souvent chez les esclaves et, dès qu’on leur laissait un peu de liberté, ils essayaient d’en profiter pour se procurer quelques jouissances matérielles à leur portée. Ils buvaient surtout, aussitôt qu’ils en avaient les moyens, et éprouvaient le besoin de se livrer à leur nature exubérante, si durement contenue d’ordinaire, de danser, de crier et de faire du tapage. C’est ainsi qu’ils préféraient les cabarets à l’église ; aussi dut-on les

  1. Page 176.
  2. Durand-Molard, op. cit., III, 451.