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quand ils pouvaient, car ils en faisaient uniquement « des occasions de festins et de présents, parce qu’on n’en exige pas les billets des maîtres, qui devraient exiger de leurs esclaves le rapport des billets endossés du certificat des desservants[1]. »

La garantie stipulée par l’article 4 au sujet des commandeurs, qui ne pouvaient être que catholiques, devait être forcément d’influence nulle sur la conversion des esclaves. Le commandeur, en effet, qu’il fût blanc ou noir, n’avait qu’une mission : assurer la discipline ; terrible garde-chiourme, il ne se servait guère que d’un moyen, le fouet. Il fallait songer seulement à l’empêcher d’abuser des négresses. Mais, quant à s’occuper de la moralité de son troupeau, il était lui-même trop peu au-dessus de lui pour qu’on eût rien à en espérer.

Le moyen le plus efficace pour arriver à instruire les nègres dans la mesure du possible semblait devoir être dans l’observation du repos ordonnée même pour les esclaves[2] pendant les dimanches et jours de fêtes (art. 6 du Code Noir), avec l’obligation de ne pas les troubler dans le libre exercice de la religion catholique (art. 5) et la défense de tenir le marché aux jours fériés (art. 7). Cette dernière prescription ne tarda pas, du reste, à être rapportée par un arrêt du Conseil d’État du 13 octobre 1686[3], à la suite des très humbles remontrances adressées à Sa Majesté à ce propos (ainsi que sur l’article 30), le 1er octobre 1685, par le Conseil souverain de la Martinique[4]. Le Conseil fit, en effet, remarquer que, si les esclaves ne venaient pas au marché, ils manqueraient pour la plupart d’entendre la messe et le catéchisme, et deviendraient libertins, tandis que, les marchés ne durant que trois heures, ils avaient tout le temps de remplir leurs devoirs

  1. Petit, Traité sur le gouvernement des esclaves, II, 116.
  2. Il est dit dans le Deutéronome, V, 14 : « Le septième jour est le sabbat. Tu t’abstiendras, en ce jour, de tout travail, et comme toi, ton fils, ta fille, ton esclave. » De même pour les jours de fêtes. Ib., XVI, 1, 14.
  3. Moreau de Saint-Méry, I, 447.
  4. Arch. Col., F, 248, p. 1087.