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vons dire que leur servitude est le principe de leur bonheur et que leur disgrâce est cause de leur salut. » Il affirme, en même temps, qu’ils « vivent plus chrétiennement dans leur condition que beaucoup de Français[1] ». Il écrit qu’à Saint-Eustache et à Antigoa, d’après ce qu’on lui a dit, « les Hollandais et les Anglais tenaient pour maxime, dans leur réformation prétendue, de n’avoir point d’esclaves chrétiens ; croyant faire injure au sang et à la loi de Jésus-Christ de tenir en servitude ceux que sa grâce affranchit de la captivité ». En conséquence, ils ne baptisaient les nègres qu’à l’article de la mort, parce que, s’ils réchappaient de leurs maladies, une fois baptisés, ils étaient libres[2]. Soit dit en passant, pour être plus conséquents avec ces bons principes, il est évident que les Hollandais et les Anglais auraient dû commencer par ne pas maintenir les nègres en esclavage.



II

Il paraît certain que les religieux durent agir auprès des pouvoirs locaux pour solliciter leur intervention, car eux-mêmes risquaient de n’être pas suffisamment écoutés de cette population de maîtres, dont beaucoup assurément ne se distinguaient pas par leurs sentiments de piété. Aussi voyons-nous que certaines mesures furent prises même avant le Code Noir à ce sujet. Nous relevons la première dans un Acte d’assemblée de la Compagnie des Îles, du 1er septembre 1638[3]. Il y est prescrit « qu’il ne soit souffert que ceux de la R. P. R., qui peuvent être dans les îles, aient à leur service aucuns nègres ou sauvages, et, s’ils en ont acheté quelques-uns, les

  1. Cf. Rochefort, op. cit., p. 341 : « Il y a de ces nègres qui jeûnent exactement le carême et tous les autres jours de jeûne qui leur sont ordonnés, nonobstant leurs travaux ordinaires et continuels. »
  2. Du Tertre, II, 503.
  3. Arch. Col., F, 52.